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Geek Me Five
16 janvier 2009

Mafiosa : Comme vous avez changé, Marraine...

mafiosa_le_clan_1Fort attendue depuis plus d'un an, la deuxième saison de l'une des plus brillantes découvertes de la fiction française s'est terminée il y a quelques semaines sur la célèbre chaîne "du porno et du foot" (je rajoute personnellement "et des projets de fictions qui en ont").

Mafiosa avait en effet laissé planer une certaine euphorie lors de sa première diffusion sur Canal +, en 2006. Créée par Hugues Pagan, ou M. Polar TV (la grandiose Police District, c'est lui), cette plongée dans le milieu mafieux corse contemporain renouvelait tout simplement les codes de la série française, fortement imprégnée de la patte outre-atlantiste HBO, par son personnage féminin magnifiquement ambigüe (Hélène de Fillières, dont le charme mutin et vénéneux ne cessera jamais de me hanter), son efficacité narrative et, surtout, son inventivité plastique. Car c'est bien là Mafiosa savait tirer toute son originalité : le parti pris de mise en scène de Louis Choquette (réalisateur attitré de l'intégralité de la saison) brillait par son insolence (si j'ose dire), devenue tecnica non grata dans le monde de la lucarne. Lumière déphasée, quasi spectrale, plans décadrés, plages de pure contemplation onirique, toute une cinégénie qui, en plus de démontrer une puissance technique nationale inattendue, parvenait à nous extraire du fil rouge de l'intrigue pour mieux montrer la violence sourde -et aveugle pour le coup - d'un monde hobbesien (le fameux cannibalisme entre mafieux).

Il faut pourtant admettre que ce coup d'éclat ne fut qu'éphémère. Chapeautée par une nouvelle tête d'affiche, Eric Rochant (Total Western, L'Ecole pour tous), la nouvelle saison de Mafiosa semble avoir bien changé. Finis les détours poétiques, place au déroulement de la trame. Les Paoli migrent à Marseille (donc sur le continent, preuve de plus) et se retrouvent face un conflit qui dormait en marge mais à présent ravivé : la compétition entre Sandra, chef du clan et héritière contestée de la Famille, et son frère Jean-Michel, jaloux d'un pouvoir qui lui échappe constamment. Alors que les regards étaient privilégiés dans le premier chapitre (ce fameux générique de fin où tous les personnages fixaient l'objectif de la caméra dans un défilé magnifique), la parole devient le nouvel enjeu dramatique de la série. Les plans s'en retrouvent donc plus posés, les lumières domestiqués de même, le tout dans une optique plus télévisuelle.

 

mafiosa_2Si on soupçonnait un hommage sincère à la mythique Les Soprano pour son personnage intrus (ici une femme) dans un milieu autarcique, l'affiliation à la série de David Chase devient ici pleinement assumée, notamment par sa technique. Il faut néanmoins rappeler que Les Soprano usait de cette simplicité télévisuelle pour mieux réfléchir sur l'héritage laissé par Hollywood et ses classiques (films de gangsters, western). Mafiosa ne soucie guère de cela (on la voit mal disserter sur le cinéma français), sa technique sert à remplir un autre cahier des charges : servir le scénario et, de temps à autre, faire de beaux plans.

Elle met surtout en relief une autre réalité du monde feuilletonesque : après avoir conquis son auditoire lors de son premier tour de piste, une série peut se permettre de lâcher ses idéaux initiaux et ne répondre qu'à une seule obligation, celle de faire avancer l'histoire, et nous avec. Sans être honteuse pour autant (excellentes guests stars, une très belle relation entre Sandra et son amant, un sens du suspense au cordeau), cette deuxième fournée laissera néanmoins un goût amer dans la bouche : celui d'avoir abandonné une beauté si insulaire (à la manière du pays dépeint) dans le continent TV actuel et de nous avoir remis de force sur les rails de la consommation linéaire.

Saison 1 disponible en DVD

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